FAIRE DU CHIFFRE !!!

Il est demandé aux préfectures de faire du chiffre et certains préfets très zélés se font la course dans ce domaine.

On pourrait même se demander s’il n’y a pas un encouragement à surenchérir quant aux méthodes utilisées. Il ne s’agit plus seulement de renvoyer les plus démunis sans se soucier du sort qui leur sera réservé à l’arrivée (même si la mort est au bout du voyage), il s’agit de marquer les esprits de ceux qui seraient tentés de rejoindre la France, de racoler un peu du côté du FN, et de renvoyer dans leurs pénates les citoyens qui pensent encore en humains en les traitant de bons penseurs.

Actuellement l’Eure et Loir connaît un de ces cas : Une femme, Larissa Schevtchuk, médecin russe, militante anti-nucléaire a reçu un avis de reconduite à la frontière avec ses deux enfants Mickaël et Nikita scolarisés en 6 ème au collège Mathurin Régnier et en CM1 à l’école François Villon, particulièrement bien intégrés à leur vie en France, depuis quatre ans.

Ce cas a bouleversé les élèves et leurs parents, les enseignants et le personnel des établissements où sont scolarisés les deux garçons.: une pétition a été signée par 2500 personnes, des rassemblements ont eu lieu et les médias ont suivi l’affaire avec humanisme dans un premier temps.

UNE STRATEGIE « PERDANT PERDANT !!! »

Premièrement le préfet balaye l’opinion publique en maintenant sa décision de reconduite à la frontière en autorisant seulement les enfants à terminer leur année scolaire tout en les expulsant de leur logement faisant appel aux bonnes volontés des « bons penseurs » pour héberger la famille.

Deuxièmement, la préfecture fouille les faits divers pour utiliser la stratégie du pire.

En effet, il y a quatre ans, M. Schevtchuk avait renversé et tué un enfant et aggravé son cas en prenant la fuite, il est en prison depuis.

Le Préfet et son équipe ont instrumentalisé la douleur de la famille endeuillée, en recevant les parents le jour où 100 personnes venaient manifester leur soutien à Madame Schevtchuk. Ce rendez-vous au timing très étudié s’est trouvé renforcé par une campagne persuasive auprès des médias. L’écho Républicain a opposé les deux malheurs sans aucune retenue.

Le problème de cette méthode de la part du Préfet et de l’Echo Républicain est triple :

-La famille de l’enfant renversé a été utilisée comme un pion dans la stratégie de la préfecture.

Malheureusement, sa peine n’en sera pas atténuée ?

- Larissa Schevtchuk et ses enfants seront renvoyés dans leur pays d’origine, mais ils auront en plus été sali par cet amalgame affreux entre l’homicide commis par le papa et eux-mêmes. Cette méthode permet peut-être aux employés de la préfecture de se regarder dans un miroir, d’ailleurs l’histoire nous a montré que les oppresseurs ont toujours cherché à salir les personnes qu’ils doivent opprimer. Ceci est peut-être efficace mais tellement lâche !!

Certes Larissa Schevtchuk, en tant qu’opposante écologiste en Russie doit connaître l’extrême brutalité des agressions morales des détenteurs du pouvoir (vues les méthodes des milices russes) mais ceci a dû la surprendre car il y a deux semaines encore elle continuait de tenir des discours sur la France pays d’accueil !!!

- Cette méthode salit aussi les principes même de civilisation. On comprend tous la douleur de la famille endeuillée, on pourrait même comprendre leurs réactions de violence. Mais doit- on utiliser toutes les armes même si elles sont synonymes de régression.

Elle salit aussi le plus haut représentant de l’état en Eure et Loir car opter pour la méthode la plus brutale pourrait prendre corps dans un discours de politique populiste, mais pas dans les actions d’une préfecture qui doit œuvrer dans l’intérêt de tous.

D’ailleurs les paroles du Préfet dans l’écho du 13 mars 2006 sont tellement caricaturales (je cite un extrait : "Je prends le cas de cet homme qui vit avec trois femmes, dont une qu’il a foutue dehors avec les enfants. Il avait récupéré les alloc. Il en avait deux autres, j'imagine pour balayer et le reste, et on le présentait comme un homme de qualité») qu’elles tendraient à prouver qu’il s’agit d’une stratégie délibérée. Franchement je n’imagine vraiment pas un homme ayant suivi de grandes études employer ce langage dans la vie courante.

Elle salit aussi l’Echo Républicain qui ternit ici son image parce que l’on attend d’un média qu’il prenne du recul et qu’il rende compte des faits objectivement ou bien qu’il affiche clairement ses positions. Il ne faut pas avoir passer beaucoup d’heures dans une école de journalisme pour savoir que tout fait de société peut être illustré par des faits divers et donc le choix de cet angle d’attaque répondrait plus de la manipulation que de l’information.

LA FIN JUSTIFIE LES MOYENS (A COURT TERME !!!)

Que la fin justifie tous les moyens dans les domaines économiques, sportifs, sociaux…bof, que cela soit le cas en politique…Quelle horreur ! Mais que cela devienne le cas en matière de représentation de l’état 1000 fois NON !

Quand la stratégie remplace tout idée de construction commune on met les pieds dans une société régressive où la confrontation d’idées est balayée comme un fétu de paille, pour le biens de quelques uns.

Il ne s’agit pas pour nous de nous placer en moralistes ou en « bons penseurs »(ce qui semble être une insulte dans les paroles de monsieur Subremon notre Préfet) mais quand on touche le fond il devient indispensable de prendre la parole.

Philippe Rivierre Sylvie Torre (article paru dans l'aiguillon n° 62)