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AERéSP 28 (Accueil des Exilé-e-s et Régularisation des Sans Papier)
24 mai 2007

Conter la création d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale huit chercheurs démissionnent

Gérard Noiriel explique sa décision de quitter la future Cité de l'histoire de l'immigration.

«Nous ne pouvons rester silencieux»

Par Catherine COROLLER

Libération : jeudi 24 mai 2007

Gérard Noiriel est l'un des huit chercheurs ayant démissionné vendredi du comité d'histoire de la future Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) pour protester contre la création d'un ministère dont l'intitulé associe «immigration» et «identité nationale». Il revient sur les raisons de ce départ.

Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a souhaité «ardemment» que vous reconsidériez votre démission ; Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, s'est déclaré prêt à vous rencontrer. Où en êtes-vous ?

Nous devons rencontrer Brice Hortefeux la semaine prochaine. Nous acceptons bien volontiers cet entretien mais, pour nous, il n'a pas vraiment de raison d'être, nous n'avons pas de revendications à formuler.

Vous avez pourtant démissionné...

Pendant la campagne électorale, nous avons fait savoir publiquement que l'intitulé d'un ministère avec côte à côte les mots «immigration» et «identité nationale» n'était pas tolérable. Par notre expérience et nos travaux, nous savons que cette association a été mise en circulation en France d'abord par le Club de l'Horloge et le Grece (Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne)[ deux officines d'extrême droite, ndlr], et diffusée par le Front national. Dans un ouvrage que j'ai publié chez Fayard (1), je montre le rôle majeur des mots ­ plus que des idées ou des arguments ­ dans la construction des stéréotypes sur l'immigration. Ce label associant immigration et identité nationale charrie des représentations négatives. Désormais, tout le monde va prononcer quotidiennement le nom de ce ministère, et ce qui auparavant ne s'entendait que dans la bouche des gens d'extrême droite va être complètement banalisé. Si on ne casse pas ces réflexes, il ne faut pas s'étonner, comme le montre la dernière enquête de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), que 50 % des Français pensent qu'il y a trop d'étrangers dans ce pays !

La Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) a-t-elle pour objet de promouvoir une image particulière de l'immigration ?

La décision de créer la CNHI a été prise à la suite de l'élection de 2002, et du choc de la présence de Le Pen au second tour. On a assisté à une évolution qui nous a paru positive du côté de la droite puisque Jean-Pierre Raffarin, le Premier ministre d'alors, a confié à Jacques Toubon une mission de préfiguration de la Cité avec, parmi les objectifs qui lui étaient fixés, de «contribuer à changer le regard sur l'immigration». A cette époque, on a vraiment eu le sentiment qu'il y avait une sorte de consensus républicain autour de ces questions. Mais, pendant la campagne de la présidentielle, on a vu resurgir le vieux vocabulaire du mépris et de l'intolérance à l'égard des immigrés. Pour nous, cet acte de démission a été difficile car nous avions travaillé dans un climat de confiance et en toute liberté avec les responsables de la Cité. Notre démission n'est donc pas un désaveu de l'action menée dans ce cadre. J'envisage, pour ma part, de continuer les projets dans lesquels je me suis impliqué, mais je le ferai «à la base», en tant que collaborateur extérieur.

Vous pensez que le candidat Sarkozy devenu président a voulu vous faire payer quelque chose ?

Je ne crois pas qu'il faille raisonner ainsi. Nous savons pertinemment que, dans notre société, le point de vue des scientifiques ne pèse pas lourd dans les décisions politiques. Notre seul souci a toujours été d'assumer nos responsabilités de chercheurs impliqués dans la défense d'une cause civique, mais en toute indépendance d'esprit. C'est la raison pour laquelle au moment des violences urbaines de 2005, nous avions rédigé un texte, paru dans Le Monde, pour dire que les dirigeants politiques ne devaient pas employer des termes qui blessent, comme «racaille» , mot qui fait partie d'un vocabulaire extrêmement connoté historiquement et politiquement. Pendant la campagne électorale, plusieurs d'entre nous ont dit publiquement qu'ils ne pourraient pas rester silencieux si un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale était créé. Dans les jours qui ont précédé la constitution du gouvernement, nous avons alerté les autorités sur nos intentions. Mais nous n'avons pas été entendus.

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