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AERéSP 28 (Accueil des Exilé-e-s et Régularisation des Sans Papier)
15 novembre 2007

statistiques ethniques

Loi sur l’immigration : les risques des statistiques Eric Keslassy sociologue. QUOTIDIEN : jeudi 15 novembre 2007 La légitime réprobation suscitée par «l’amendement ADN» a provoqué un écran de fumée hautement préjudiciable pendant que la mobilisation se focalisait sur la question de la preuve de la filiation des candidats à l’immigration, un autre disposition de la loi relative à l’immigration, l’intégration et l’asile aurait mérité une condamnation au moins aussi sévère. Il s’agit de l’article 63 qui renforce le droit à établir des statistiques ethniques. Si l’on partage évidemment les motivations affichées par les promoteurs de cette mesure – favoriser l’intégration et lutter contre les discriminations, ambitions essentielles pour assurer la pérennité de notre modèle républicain –, nous sommes en désaccord profond sur la méthode : les statistiques ethniques ne sont pas utiles pour atteindre ces objectifs. Nul besoin en effet de réhabiliter des catégories ethnoraciales pour affirmer que les minorités postcoloniales souffrent de discriminations devant l’emploi, le logement ou encore les loisirs. Les «testings» suffisent amplement à déterminer une telle réalité comme le démontrent les enquêtes réalisées par Jean-François Amadieu dans le cadre de l’Observatoire des discriminations ou les opérations menées par SOS Racisme. Les statistiques ethniques présentent deux risques majeurs. Tout d’abord, la réactivation d’un référent, racial (comme la couleur de peau), ethnique et/ou religieux, sape les fondements de notre vision traditionnelle du «vivre ensemble». La «communauté des citoyens» est certes une «utopie créatrice» – pour reprendre la belle formule de Dominique Schnapper – mais qui conserve toute sa validité. Déjà fracturée sur le plan communautaire, la société française n’a aucun intérêt à se compter à partir de ces marqueurs identitaires. Car l’établissement de catégories ethnoraciales obligera nécessairement chacun d’entre nous à (re) définir son identité, avec le danger que la dimension raciale, ethnique et/ou religieuse prenne le pas sur toutes les autres composantes. Même ceux qui éprouvent une faible conscience ethnoraciale peuvent être renvoyés à leur «origine». Dès lors, les statistiques ethniques peuvent se transformer en accélérateur de la communautarisation de notre corps social en cristallisant l’existence des communautés au détriment de la communauté nationale, celle qui doit regrouper tous les citoyens autour de valeurs partagées. Aujourd’hui, plus que jamais, il est fondamental de ne pas prendre le risque d’échanger notre nation «uneet indivisible» contre une juxtaposition d’appartenances communautaires. Loin du statu quo, cela suppose de rendre crédible une valeur aussi centrale que l’égalité en s’appuyant sur des mesures volontaristes et ambitieuses (à l’école, dans les quartiers, en terme de logements etc.). De plus, les statistiques ethniques constituent un préalable à la mise en place de la discrimination positive «ethnique» – c’est-à-dire d’une politique fondée sur un traitement préférentiel dont les bénéficiaires seraient désignés à l’aide d’un critère ethnique. Il n’y a d’ailleurs pas de surprise à voir le gouvernement «accepter» cet article 63 : n’est-ce pas Nicolas Sarkozy qui avait appelé à la nomination d’un «préfet musulman» ? Ne pouvait-on pas déjà trouver dans cette déclaration une vision ethnicisante de la société ? N’était-ce pas de la discrimination positive «ethnique» ? On peut également s’arrêter sur la position d’une association comme le Conseil représentatif des associations noires (Cran) qui milite ouvertement pour l’établissement de «statistiques de la diversité» et s’est prononcée très clairement pour l’adoption de mesures de discrimination positive «ethnique» : après avoir commandé un sondage pour compter les Noirs de France en âge de voter, le Cran n’a-t-il pas exigé un pourcentage fixe de ministres et de députés noirs ? «Se compter pour pouvoir compter», affirmait son président Patrick Lozes. Voulons-nous mettre le doigt dans cet engrenage infernal ? Autant signer l’acte de décès de la République… Pour autant cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire pour favoriser l’intégration des minorités postcoloniales. Mais plutôt que de continuer à s’interroger sur le résultat comptable des pratiques discriminantes, sans doute serait-il plus efficace de renforcer les moyens de les combattre. Quelques pistes sont ouvertes : investir dans la formation des magistrats à ces problématiques, organiser les «pôles antidiscrimination» dans les tribunaux, obtenir des condamnations dissuasives par la voie civile – ou même pénale –, ou encore donner davantage de pouvoirs et de ressources à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). Il est temps de les explorer ! Dernier ouvrage paru :Mémoires vives. Pourquoi les communautés instrumentalisent l’Histoire, aux éditions Bourin, 2007. http://www.liberation.fr/rebonds/291504.FR.php © Libération
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