28 mars 2008
encore le Canada
Le vendredi 28 mars 2008
Le Canada refuse un visa à une Congolaise venue enterrer son mari
Martin Croteau
La Presse
La dépouille d'un Canadien d'origine congolaise croupit dans une morgue de Montréal depuis un mois et demi. Car le gouvernement empêche son épouse africaine de venir assister à ses obsèques.
Arrivé du Zaïre au début des années 80, Debhonvapi Olema est devenu citoyen canadien en 1989. Il s'est installé dans la petite communauté crie de Chisasibi, non loin de la Baie-James, où il enseignait dans un centre d'éducation aux adultes depuis 14 ans. En 2005, il a épousé Francine Ezoko, qui habite l'Ouganda. Le couple a eu une fille l'an dernier. Et les procédures de parrainage devaient bientôt permettre à la famille d'être réunie dans le Nord québécois.
Mais le 8 février, l'homme de 58 ans a été pris d'un malaise. Les médecins de la réserve n'avaient aucune idée du mal qui l'affligeait. Transporté par avion jusqu'à l'Hôpital général de Montréal, il est mort dans la nuit du 15 au 16 février.
Billet d'avion
La Commission scolaire crie, l'employeur de M. Olema, a offert un billet d'avion à sa femme et à son enfant pour qu'ils puissent venir l'enterrer. Des amis du défunt, qui habitent la région de Montréal, ont proposé d'organiser ses funérailles.
Mais 41 jours plus tard, le cadavre de M. Olema est toujours à la morgue. Et Mme Ezoko, toujours en Afrique. Le gouvernement canadien a refusé sa demande de visa de résidence temporaire. «Vous ne m'avez pas convaincu que vous quitteriez le Canada à la fin de votre séjour à titre de résident temporaire», peut-on lire dans la réponse du Haut-commissariat du Canada.
Jointe par La Presse à son domicile de Lumumba, en Ouganda, Francine Ezoko est dévastée. «C'est comme si mon mari était mort une deuxième fois», confie-t-elle, les sanglots dans la voix.
La femme a peine à comprendre la décision d'Ottawa, d'autant plus que son enfant de 11 mois est citoyen canadien. Et elle n'est pas seule à s'indigner. Ndia-Bintu Kayemba, un ami de longue date de M. Olema, dénonce la décision «injuste» du gouvernement.
«Ce n'est pas n'importe quelle dame, à qui ils refusent l'accès, dit-il. C'est la femme d'un citoyen canadien, qui porte un enfant canadien dans ses bras.»
Depuis plus d'un mois, M. Kayemba, un consultant en éducation, multiplie les démarches auprès des autorités politiques du pays, sans succès. La ministre de l'Immigration, Diane Finley, refuse d'utiliser son pouvoir discrétionnaire pour accorder un visa à Mme Ezoko.
«Ce qui nous trouble, c'est le traitement qu'on réserve à des citoyens à part entière de ce pays, dénonce-t-il. Nous payons nos impôts, nous avons droit à tous les autres services. M. Olema a travaillé pendant 20 ans dans le Nord et son enfant est Canadien. Pourquoi son épouse ne peut-elle pas venir l'enterrer?»
La communauté crie de Chisasibi s'est également mêlée de l'affaire. Debhonvapi Olema était très apprécié dans ce village de 4000 habitants, miné par le décrochage scolaire. «Il était très respecté, relate le chef de bande Roderick Pachano. Il faisait plus qu'enseigner, il encourageait les étudiants à persévérer et à se dépasser.»
Le chef vient tout juste d'envoyer une lettre à la ministre de l'Immigration, l'implorant de revenir sur sa décision. Une pétition circule dans le village pour appuyer sa cause.
«Pour nous, c'est une honte, tranche le chef. Lorsqu'on a connu quelqu'un aussi bien, on aimerait pouvoir l'enterrer une fois pour toutes et faire notre deuil.»
Ni Immigration Canada ni l'attaché de presse de la ministre Finley n'ont rappelé La Presse.
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