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AERéSP 28 (Accueil des Exilé-e-s et Régularisation des Sans Papier)
23 juin 2010

Soupçon systématique de fraude

Nathalie Ferré
Enseignante-chercheuse en droit privé à l’université Paris XIII

Qu’il s’agisse des demandes de regroupement familial, des rapprochements des familles de réfugiés ou des reconnaissances de la nationalité française par filiation, la contestation des actes d’état civil produits par les autorités locales est devenue une pratique quasi systématique. Le doute sur leur authenticité et la suspicion de fraude, notamment s’agissant de certains pays africains, témoignent d’une attitude fort peu respectueuse de ces pays.

Le dispositif de contrôle du territoire et d’éloignement des étrangers non désirés ou devenus indésirables, malgré sa sophistication – cartes infalsifiables, recours à la biométrie – s’est enrichi d’une nouvelle technique, la contestation des documents d’état civil. Il ne s’agit pas ici de repérer quelqu’un qui n’aurait pas de légitimité à être sur le sol français – pour cela il suffit de mettre en oeuvre le dispositif de contrôle de l’immigration et donc vérifier l’existence du document matérialisant l’autorisation de séjourner – mais d’empêcher des étrangers d’entrer ou de faire valoir certains droits, comme celui de devenir français. Le curseur est juste déplacé.

Pour postuler à la délivrance d’un titre, comme pour se voir reconnaître la nationalité française, notamment par filiation, l’administration requiert des documents d’état civil. Or, lorsqu’ils sont dressés à l’étranger, ces documents sont très souvent contestés et désignés a priori comme frauduleux. Cette contestation plus que fréquente des actes étrangers rend compte de plusieurs processus et peut donc donner lieu à plusieurs lectures critiques. En premier lieu, cette pratique qui consiste à remettre en cause l’état civil du postulant constitue un obstacle de plus pour pouvoir entrer en France, alors même que les personnes concernées sont dans une situation où elles peuvent de façon légitime se prévaloir d’un droit à entrer, fût-il soumis à quelques aléas comme l’ordre public [1]. Le plus souvent, elles ont même obtenu, en amont, l’autorisation de venir rejoindre un membre de leur famille vivant régulièrement sur le territoire national. Les difficultés se concentrent alors dans les consulats, qui sont devenus les gardiens les plus zélés de nos frontières. Comme le but est de limiter l’immigration familiale, il s’agit de gêner, voire d’empêcher aussi longtemps que possible, que les personnes se retrouvent et puissent – enfin ! – vivre ensemble après des années d’attente et de procédure.

Cette contestation constitue également une manifestation supplémentaire de la suspicion généralisée et entretenue à l’égard des étrangers. Ainsi, on ne cesse de nous rappeler que l’immigration génère des comportements frauduleux dont la France doit se protéger. Aux images désormais classiques du faux touriste, du faux étudiant, ou encore du faux conjoint de Français pour ne prendre que ces exemples, s’ajoutent les figures des fausses familles et des rapports erronés de filiation. Ces illégalités seraient, nous dit-on, fort nombreuses. Or la réglementation sur le regroupement familial semble avoir été élaborée précisément pour éviter les comportements dénoncés : d’une part, elle exige un logement dont la superficie est fonction du nombre de membres de famille concernés par la procédure ; d’autre part, elle interdit, sauf exception, les regroupements partiels, obligeant ainsi le demandeur à faire venir en une fois toute sa famille. À la lumière de ces exigences légales et réglementaires, il semble bien surréaliste de craindre une multitude de faux documents d’état civil.

Un problème juridique crucial

Derrière cette contestation et ce qu’elle renvoie comme modèle familial, on perçoit aussi les éternels fantasmes : celui des familles africaines nombreuses, sans limite définie du fait d’une généreuse extension aux collatéraux, ou celui d’une réglementation laxiste sur l’adoption et des situations polygames. Enfin, cette attitude de l’administration française est révélatrice de son comportement à l’égard de certains pays africains, notamment ceux qui furent placés sous sa domination. Elle regarde de haut ce qui y est fait, accordant bien peu de crédit à la façon dont ces États gèrent leur état civil. Sans aucun doute, il existe de nombreux dysfonctionnements, mais de là à suspecter tous les actes et jugements rendus par les autorités de ces pays, il y a un pas que la France franchit sans état d’âme.

(...)

> La suite de l'article est à l'adresse
http://www.gisti.org/spip.php?article1981


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