Comité de soutien aux expulsés du 115. Fin de
Comité de soutien aux expulsés du 115. Fin de l'histoire .
Voilà l'histoire , en 11 épisodes : Une conférence de presse du Fac . Deux manifestations devant la Préfecture. Deux rendez-vous du comité de soutien avec la DDCHPP ( Direction Départementale de la Cohésion sociale et de la Protection des Populations) . un rendez-vous avec le Préfet soi-même, un rendez-vous avec le FAC ( sa directrice et le président du conseil d'administration). Deux rendez-vous ( à notre connaissance) entre le Fac et la DDCS PP. Trois coups au cœur, trois risques d'infarctus : le premier, à l'annonce de la mise à la rue d'une cinquantaine de personnes, dont 20 enfants. Le second, à la vue du fait accompli : le Fac, -pour montrer quoi? sa détermination devant l'obstination des services préfectoraux à ne pas augmenter les subventions demandées? – joue d'une dialectique perverse et redoutable : il ne met pas les gens dehors mais les laisse dans les appartements en reprenant leurs clés , ce qui signifie qu'ils sont dedans mais en étant dehors aussi; non pas enfermés dehors , ni enfermés dedans mais ouverts à tous vents dedans. Dehors tout en étant encore dedans . On les laisse dedans pour montrer qu'ils sont dehors. Sans intimité ni sécurité. Pendant 10 jours. Ruses, calculs, stratégies. Qui est piégé dans l'histoire? Les résidents, le comité de soutien, la Préfecture? Troisième coup au cœur : le comité de soutien aux expulsés est prévenu in extrémis d'une réunion entre les résidents et le Fac, alors que naïvement il croyait la crise passée. Il pensait la loi appliquée, au terme des deux rassemblements devant la Préfecture et d'un premier entretien avec la DDCSPP. Au terme aussi de l'échec des démarches des résidents auprès du juge administratif d'Orléans ( référés libertés), qui enjoignait les résidents à se tourner vers le FAC pour conserver leur place en hébergement d'urgence, et qui dédouanait les services de la Préfecture. Or à cette réunion du jeudi 12 avril, on apprend avec stupéfaction que des solutions sont trouvées pour 30 personnes, que 12 restent encore sans hébergement, et parmi elles il y a 5 enfants. La Préfecture a donné une liste nominative des personnes expulsables, le Fac exécute, dit-il . De qui se moque-t-on? Parmi les "expulsés" il y a des gens qui ont fait des référés libertés et à qui le juge a répondu qu'il n'y avait pas de problème et qu'ils étaient toujours hébergés! Je peux témoigner, j'ai les documents. Donc : il y a12 personnes à la rue, alors que le juge d'Orléans a affirmé qu'ils ne l'étaient pas une semaine auparavant . Ce n'est plus de la dialectique , c'est du grand écart. Entre le droit et le fait, choisissez le droit, le fait on s'en fout. Vous êtes hébergés, même si vous ne l'êtes plus. C'est ça, l'intégration républicaine. Vous connaissez les lois, ça suffit, et ne cherchez pas à savoir si elles sont appliquées ou non. Revendiquez-les, c'est bien, ça montre que notre France est douce, mais n'ouvrez pas vos yeux pour dénoncer les contradictions entre le droit et ce que vous vivez. On vous les fermera bien vite. Vous êtes expulsé le 16, mais le 4 vous ne l'étiez pas. Alors où est le problème? … Par la même occasion, ce jour –là, le gestionnaire du 115 rend les clés à tout le monde, espérant que d'ultimes "négociations" pourront résoudre la crise. On souffle le chaud ( remise des clés) et le froid (rien n'est résolu). Qui est perdant, dans l'histoire? Qui se sent manipulé? De quelles émotions joue-ton ? Quels dégoûts ajoute-ton aux dégoûts déjà en train de s'installer, face à ces dénis massifs d'application de lois dont tout le monde répète qu'elles sont "fondamentales". Alors , bien obligé, on ne lâche pas . Dernier rendez-vous du comité de soutien au "expulsés" dans le bureau du Préfet : et là on apprend aussitôt que 29000 euros sont " déjà" alloués au Fac dans sa gestion du 115 - sur un budget de 420000 euros, soit environ 7% si je compte bien- . Ainsi des solutions ont été trouvées, il y a toujours seulement 30 places pour les hébergements d'urgence mais les moyens financiers pour accompagner les hébergés sont augmentés, et d'autres cadres d'hébergement ou de logement sont offertes pour certaines personnes. Opération " à tiroir" puisque le Fac est une structure énorme, gestionnaire d'une quantité de services différents. Les "hébergés" passent d'un tiroir à l'autre, d'un service à l'autre, d'un appartement à un autre.. Si par malheur cet été d'autres "sans logis" demandent à être logés, pardon , hébergés, le 115 répondra que tout est déjà complet, et que dehors il fait chaud. Qu'ils reviennent cet hiver, il y aura augmentation du nombre de places autorisées.
"Dramatisation " excessive , nous signifie M. X, Préfet d'Eure-et-Loir. Dramatisation excessive d'une situation somme toute banale : des gens à la rue , promenez-vous dans toutes les villes, vous en verrez partout.
Dramatisation excessive, vraiment! Mais Monsieur le Préfet, ce n'est pas 29000 Euros que vous auriez dû lâcher, mais le double, le triple, le décuple et bien plus… Et ce n'est pas 30 places pour le dispositif d'urgence de l'été, mais bien davantage…Car des gens en détresse, il y en a de plus en plus, vous le savez bien. Et si vous connaissez si bien les nuances entre être hébergé et être logé, vous savez fort bien que des gens qui ont besoin d'être "hébergé" une nuit ou une semaine auront aussi besoin de ces hébergements les semaines suivantes , car on ne trouve pas par miracle une solution pour pouvoir travailler, payer ses dettes et trouver un moyen durable d'avoir un toit sur sa tête . On n'en trouve pas non plus pour avoir des "papiers" . Car disons-le, au 115 il y a beaucoup de familles sans papiers, et en longue attente de recours multiples et variés pour pouvoir résider légalement ici. Les "sans papiers" ont des droits, des droits fondamentaux : droit d'être soigné, mais cela se restreint de façon drastique, droit d'aller à l'école, ça au moins cela paraît effectif, droit d'être "hébergé". Mais pour combien de temps ? Comment travailler à être régularisé si on ne sait jamais où on dormira le soir? LA jungle Calais va-t-elle s'étendre dans toutes les villes ?
Et qui osera dire le premier à haute voix : puisqu'ils n'ont pas "vocation" ( -encore un mot bizarre, "vocation" : vocabulaire religieux, ce n'est pas Guéant qui ne veut pas, c'est Dieu qui parle par ses politiques- ) à rester , pourquoi les "héberger"? Sans les loger bien sûr; l'hébergement même n'est-il pas de trop? Etre logé, c'est durable, mais il y a des conditions. On ne peut pas "loger" des "sans papiers", voyez-vous ça, puisqu'ils se maintiennent illégalement sur le sol français.
Hébergé, c'est l'oiseau sur la branche ; tous les jours, et à la rigueur toutes les semaines, il faut demander, quémander presque , au risque qu'on vous dise : ah non ce n'est plus possible. Et tant pis si vous avez des enfants, si vous êtes malade; tant pis si vos enfants parlent français, et/ ou sont nés en France, si vous êtes là depuis longtemps, si vous n'avez pas l'argent nécessaire pour toutes les démarches administratives qu'on vous impose, etc, j'en passe et des bien meilleures. Toutes les semaines des craintes, des émotions graves . Des humiliations, encore et toujours. .
Autrement dit, d'ailleurs ils sont ici, les "sans papiers", mais personne ne doit ni les voir, ni les aider, ni exiger qu'ils aient accès à des droits fondamentaux, ni affirmer que ce serait si simple de leur en donner, des "papiers", pour leur permettre de travailler, et d'avoir de quoi trouver eux-mêmes de quoi se loger. Droit fondamental, vous savez ce que cela ceut dire? C'est inscrit dans la Constitution française, et la Constitution commande les gouvernements successifs, qu'il soient " de droite" ou "de gauche" .
L'hébergement du 115, c'est sans conditions. C'est une liberté fondamentale, pour tous, sans exception, sans critères, sans quotas, sans rien savoir de ceux qui demandent. C'est magnifique. C'est une grande victoire de la pensée que d'affirmer qu'il y a des droits humains universels, et que à ces droits devraient être subordonnés les droits positifs et relatifs des différents gouvernements.
Monsieur le Préfet, si vous ne voulez pas rentrer dans des considérations mesquines, électoralistes ou xénophobes, si vous voulez maintenir la fantastique éclaircie du 115, dans laquelle qui que vous soyez, si vous êtes en grande détresse matérielle ou psychologique, sans qu'on vous demande rien d'autre que des traces visibles de cette détresse, vous pouvez dormir en sécurité quelque part, augmentez vos subventions, augmentez le nombre de lits. Vous n'entendez pas la plainte de ceux qui ne peuvent plus se mettre en colère et se solidariser pour revendiquer justice ? Vous n'entendez pas leur humiliation d'avoir à mendier, comme si ce n'était pas un droit, jour après jour , un toit pour dormir? Vous n'entendez pas que tout homme, toute femme, tout enfant sur le sol français est légitimé à revendiquer l'exercice de ces droits, que vous êtes à votre place pour les garantir, et choisir dans vos actions de gouvernement l'ensemble des conditions qui permettent de les rendre effectifs?
Augmentez vos subventions, augmentez le chiffre de l'hébergement d'urgence, l'été, et l'hiver. De l'argent il y en a , - c'est le nôtre- , vous pouvez répartir autrement.