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AERéSP 28 (Accueil des Exilé-e-s et Régularisation des Sans Papier)
7 mai 2007

*Résistances*

Ce que beaucoup appréhendaient vient de se produire ; Nicolas Sarkozy 
l’a donc emporté au second tour des élections présidentielles. Pour 
la troisième fois consécutive en l’espace de douze ans, un candidat 
de la droite, aux discours et au programme radicalisés comme jamais 
sur l’ensemble des questions économiques, sociales et politiques, 
s’impose au terme d’une campagne où les électeurs du Front National 
ont « été cherchés un par un », selon la délicate formule de celui 
qui est désormais chef de l’Etat. On connaît les conséquences de 
cette main constamment tendue : la banalisation sans précédent de 
certains thèmes chers à Jean-Marie Le Pen. Mais le candidat de l’U. 
M. P a aussi été fort des faiblesses de la gauche, de toute la gauche 
qui, du Parti socialiste à la Ligue communiste révolutionnaire, n’a 
pas su s’opposer efficacement à son projet et à ses ambitions. De 
même, et ceci est en partie lié à cela, ces organisations ont été 
incapables d’offrir des perspectives politiques claires et unitaires 
au lendemain des mobilisations pourtant exceptionnelles contre le CPE 
suivies d’une victoire retentissante imposée par la rue au terme de 
manifestations comme il y en eut rarement. Souvenez-vous, c’était il 
y a un an à peine, on croirait pourtant que des années se sont déjà 
écoulées ! Souvenez-vous des espoirs immenses alors suscités ! 
Souvenez des attentes joyeuses qui sont nées de cette force enfin 
retrouvée après plusieurs défaites importantes et douloureuses subies 
dans les urnes et sur le terrain économique et social ! De ceux-là et 
de celles-ci, une fois encore, les gauches parlementaires et 
radicales n’ont rien su faire, par sectarisme, pour défendre leurs 
intérêts d’appareil et cultiver solitairement leur petit jardin 
électoral avec le succès que l’on sait puisque le total des voix 
ainsi rassemblé est l’un des plus bas de toute l’histoire de la 
Cinquième République. Grandiose bilan et champ de ruines. De même 
pour les syndicats qui, à la veille d’un second tour pourtant 
décisif, ont préféré étaler de nouveau leurs divisions le jour même 
où Nicolas Sarkozy réitérait ses attaques contre le monde du travail, 
comme on dit.
Les dirigeants de ces différents partis et organisations affirment 
être au service des jeunes, des salariés, des retraités, ils 
prétendent vouloir défendre le service public, le pouvoir d’achat, 
combattre les inégalités et les discriminations sexuelles, raciales 
et religieuses. Qu’ils le prouvent en organisant, ici et maintenant, 
sans attendre les élections législatives, moins encore les prochaines 
présidentielles, la résistance contre la politique réactionnaire et 
revancharde de cette majorité. Qu’ils le prouvent en mettant leurs 
militants et leur expérience au service de cette indispensable 
résistance. Pour défendre ceux qui sont stigmatisés parce qu’ils sont 
réputés « ne pas se lever tôt » car nul employeur ne les attend 
depuis des semaines, des mois, des années, résistance ! Pour défendre 
ceux qui, méprisés, humiliés, discriminés et relégués dans des 
banlieues laissées en déshérence, sont voués au Kärcher élyséen et 
livrés en pâture à une fraction de l’opinion publique raciste et 
xénophobe, résistance ! Pour défendre ceux dont les salaires sont 
indignes et à qui la seule perspective désormais offerte est « de 
travailler plus pour gagner plus », c’est-à-dire perdre davantage 
leur vie à tenter de la gagner en vain, résistance ! Pour tous les 
travailleurs précaires qui n’ont d’autre avenir que de le demeurer et 
de s’inquiéter constamment de lendemains qui depuis longtemps ne 
chantent plus, résistance ! Pour tous ceux qui sont victimes d’une 
insécurité professionnelle et financière croissante qui les laisse 
sans perspective, sans autre perspective du moins qu’une crainte sans 
fin, résistance ! Pour tous ceux qui considèrent que les avancées 
sociales ne sont pas des privilèges mais des acquis précieux 
péniblement conquis par des femmes et des hommes qui se sont battus 
avec obstination et courage pour améliorer leur condition de travail 
et de vie, résistance ! Pour tous ceux qui jugent, contrairement aux 
mensongères déclarations du candidat aujourd’hui président, que la 
colonisation n’a pas été synonyme de civilisation comme il l’a 
déclaré à l’occasion d’un meeting tenu à Toulon au mois de février, 
résistance ! Pour tous ceux qui ne veulent pas de medias et d’une 
justice mis au pas, résistance ! Pour tous ceux qui n’aiment pas 
cette France désormais sarkozienne et qui ne veulent ni ne peuvent la 
quitter, résistance ! Pour tous les Musulmans qui « égorgent », selon 
la rhétorique indigne et islamophobe de l’actuel président, « des 
moutons dans leur baignoire », résistance ! Pour les étrangers en 
situation irrégulière et leurs enfants scolarisés, pourchassés, 
raflés parfois, tous menacés d’expulsion en violation d’une 
Convention internationale – celle sur les droits de l’enfant – 
pourtant ratifiée par la France et de dispositions nationales 
sanctionnées par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du 
droit d’asile, résistance ! Résistance et désobéissance civile car 
les diverses mesures prises à leur encontre sont aussi légales 
qu’elles sont illégitimes.

Olivier Le Cour Grandmaison.
Enseignant à l’Université d’Evry-Val-d’Essonne. Auteur de « 
Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’Etat colonial », Fayard, 2005.

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