Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
AERéSP 28 (Accueil des Exilé-e-s et Régularisation des Sans Papier)
14 septembre 2007

PROPOS D'ARTISTE

- Article paru le 13 septembre 2007 Fête de l’Humanité 2007 Mustapha Amokrane « L’immigration, c’est un acte de courage » Motivé . Entretien avec Mustapha Amokrane. Les Toulousains Mouss et Hakim seront sur la grande scène puis à l’agora de l’Humanité, samedi. Dialogue autour de leur album, Origines contrôlées. On ne compte plus le nombre de fois où Mustapha Amokrane et son frère Hakim ont bondi sur une des scènes de la Fête de l’Huma. Que ce soit avec Zebda ou les Motivés. Cette année, les Toulousains engagés reviennent avec Origines contrôlées. Un album de chansons écrites par des artistes algériens immigrés en France, dans les années quarante à soixante-dix, que Mouss, Hakim et leurs musiciens réinterprètent, les rendant frappantes d’actualité. Tout comme l’Humanité est partenaire du festival Origines contrôlées (1) depuis sa création, elle s’est naturellement associée à la sortie de l’album éponyme. Comment est né le projet Origines contrôlées ? Mustapha Amokrane. Pour trouver la génèse d’Origines contrôlées, il faut remonter loin dans notre parcours. À l’époque de 100 % Collègues, on avait commencé à aborder des chansons kabyles, sur la base de nos souvenirs. On se rappelait des mélodies et phonétiquement des paroles. Ensuite, on a fait l’album Motivés qui était une adaptation à notre sauce de chants de luttes. Parallèlement, dans notre activité associative, nous avons travaillé sur la mémoire de l’immigration postcoloniale à travers le festival Origines contrôlées, dont ce sera la quatrième édition cette année (1). Cela nous a conduits à faire des recherches dans le domaine musical, sur les chansons qu’écoutaient nos parents et qui ont été écrites par la communauté immigrée, algérienne en particulier puisque c’est notre histoire à nous. À la période des élections, nous étions en train de préparer notre deuxième album avec Hakim (son frère - NDLR) et il y a eu ce simili débat sur l’identité nationale. Ce n’était pas possible de laisser une partie de la population vivre une exclusion supplémentaire. Que nous apprennent ces chansons d’immigrés ? Mustapha Amokrane. Ces textes évoquent, sur le mode de l’humour et de la poésie, une certaine souffrance dans le quotidien de ces populations. On découvre que nos parents étaient invisibles mais pas soumis. Ces chansons, c’était déjà une façon de prendre la parole. Elles leur permettaient même de rire de leurs patrons ou du racisme. Cela rappelle, avec une certaine émotion, que l’immigration est aussi une histoire de déchirement, un acte de courage. Pour nous, ce sont déjà des chansons de France qui font partie du patrimoine culturel. On espère les faire découvrir à un maximum de personnes, issues de cette histoire ou pas. La notion de transmission est capitale dans notre démarche. Où pouvait-on entendre ces titres à l’époque ? Mustapha Amokrane. Certaines de ces chansons ont été produites par des producteurs parisiens, pas seulement spécialisés dans la musique orientale. On voyait les artistes dans les scopitone diffusés dans les bars des quartiers comme Barbès, à Paris, ou Arnaud-Bernard, à Toulouse. Claude François, avec ses origines égyptiennes, en a soutenu quelques-uns. C’est une musique qui était essentiellement diffusée dans les milieux immigrés. On est heureux de les transmettre plus largement aujourd’hui. Elles ont un côté universel immédiat. C’est une approche de l’immigration qui change du discours ambiant. N’est-ce pas ce qui a manqué dans le débat, particulièrement à gauche ? Mustapha Amokrane. Ce qui a manqué, c’est de prendre ce débat à bras-le-corps en opposant à un point de vue réactionnaire et conservateur une vision progressiste. L’immigration est au coeur de l’histoire de ce pays, elle est transversale à la société. Quand on nous parle de victimisation des immigrés et d’excuses, on s’en fout. Nous, on veut savoir ce qui s’est passé, se nourrir de l’histoire. Par exemple, quand on demandait l’abolition de la double peine, la gauche plurielle, et le PS en particulier, n’a pas voulu le faire par peur d’être taxée de laxisme. Or, si on est de gauche, on ne peut pas accepter une telle injustice. Comment appréciez-vous la nomination de personnes issues de l’immigration par Nicolas Sarkzoy dans son gouvernement ? Mustapha Amokrane. J’ai toujours su qu’il y avait des Arabes de droite, ce n’est pas une nouveauté. Mais quand le président de la République nomme une femme issue de l’immigration postcoloniale ministre de la Justice et garde des Sceaux, c’est toujours un symbole fort. Même si on sait que c’est le contenu politique qui compte. Nous, gens de gauche, avons l’impression de se faire piller les symboles. C’était à la gauche d’envoyer ces signes à une population qui vit dans la précarité, l’insécurité sociale. Le PS s’est contenté de récupérer un combat à travers des mouvements comme SOS Racisme ou Ni putes ni soumises pour en tirer des voix. Les partis de gauche entament un processus de rénovation. En attendez-vous quelque chose ? Mustapha Amokrane. En fait, on est en attente d’une dynamique qui vienne des quartiers populaires. On pense que la solution ne peut venir que des quartiers eux-mêmes. On espère que beaucoup de gens vont s’engager de manière autonome, citoyenne, et qu’il y aura une explosion de candidats pour les prochaines élections. On espère que la gauche sera à l’écoute et capable de laisser une place à des personnes qui ne sont pas forcément dans un parti. Pas en 8e, 9e ou 10e position sur la liste mais avec la possibilité d’accéder à des prises de décision. Pourquoi avez-vous choisi la Fête de l’Humanité pour présenter votre dernière production ? Mustapha Amokrane. Dès qu’on a amorcé le travail sur l’album Origines contrôlées, on a tout de suite envisagé de le présenter à la Fête de l’Humanité. Ça nous semblait logique par rapport à notre partenariat mais aussi parce que, pour nous, la fête culturelle et populaire la plus légitime pour accueillir ces morceaux, c’est la Fête de l’Huma. De plus, les quelquefois où on a pu apercevoir les artistes dont nous reprenons les titres, c’était dans les Fêtes de l’Huma, de Toulouse ou d’ailleurs. Entre Zebda, 100 % Collègues, Motivés, Mouss et Hakim, sans parler des diverses collaborations avec d’autres artistes. Quel est le fil conducteur de votre parcours ? Mustapha Amokrane. C’est toujours le même besoin de s’exprimer et de partager ce que la musique nous apporte comme épanouissement. Il y a aussi l’action de terrain dans le cadre associatif avec le Tackticollectif, les différents soutiens qu’on apporte à des luttes. On a envie d’en être. On ne perd pas la rage et la colère. On a toujours fait de la chanson française, à travers Zebda ou Mouss et Hakim. Aujourd’hui, on réinterprète des morceaux avec des musiciens dont ce n’est pas du tout l’histoire. Finalement, le fil conducteur, c’est notre histoire à Hakim, Magyd et tous les collègues. (1) Festival Origines contrôlées, du 12 au 19 octobre, à Toulouse. Entretien réalisé par Ludovic Tomas
Publicité
Commentaires
AERéSP 28 (Accueil des Exilé-e-s et Régularisation des Sans Papier)
Publicité
Archives
Publicité